"Mettre toutes les chances de son côté pour obtenir un diplôme"
interview
Franck, apprenti éducateur spécialisé
En alternance au Centre Départemental de l'Enfance et de la Famille (CDEF) d’Eure-et-Loir, Franck Ginod prépare un diplôme d’éducateur spécialisé à l'Institut du Travail Social (ITS). Avec son maître d’apprentissage, Mustapha El Labadi, cadre socio-éducatif, il travaille auprès d’adolescents en difficulté. Une mission complexe qui s’apprend principalement sur le terrain.
En quoi consiste votre travail ?
Mustapha El Labadi : L’équipe Oasis, que je dirige, accompagne neuf jeunes âgés de 14 à 16 ans. Ils sont ici pour un placement provisoire suite à une décision de justice. Notre mission est d’accueillir, observer, évaluer la situation et travailler à des propositions d’orientation pour la suite. Ils peuvent rester entre trois et six mois avant d’être orienté vers un autre établissement ou de retourner dans leur famille. L’objectif de mon équipe est de partager leur quotidien, d’apprendre à les connaître et de leur proposer des solutions.
Franck Ginod : Du réveil jusqu’au coucher, nous vivons avec les jeunes pour observer leur comportement et trouver la solution qui répondra le mieux à leurs besoins. Nous avons évidemment un rôle éducatif essentiel : notre but est de les aider, de combler des carences et de les préparer pour l’avenir.
Comment s’organise votre quotidien entre apprenti et maître d'apprentissage ?
Franck Ginod : J’alterne environ tous les 15 jours entre mes temps de formation et de travail au CDEF. Je dois également faire des stages dans d’autres structures comme c’est le cas actuellement au Dispositif d'Accompagnement Médico-Educatif (DAME) de Champhol. Mon emploi du temps varie fortement d’une semaine à l’autre. Au CDEF, il y a deux grandes tranches horaires le matin (6h45-14h15) et le soir (14h-23h), mais en tant qu’apprenti j’ai davantage de souplesse, notamment pour mener à bien mon « projet éducatif spécialisé ». Le mien n’est pas encore déterminé mais le second apprenti de mon équipe travaille par exemple sur un support d’accueil plus moderne dans l’idée de créer une dynamique d’entrée plus agréable et de clarifier les règles.
Mustapha El Labadi : L’idée est que Franck soit au maximum au contact du public, qu’il profite de son temps de présence pour générer de la relation mais aussi de la matière pour ses cours ou son projet. Sans compter les échanges informels ou les réunions d’équipe, je fais le point avec Franck à chaque fois qu’il part en formation et à son retour au centre. Lorsqu’il revient de cours, nous prenons le temps d’échanger, d'évoquer l’évolution de sa formation et de faire le point sur ce qui s’est passé pendant son absence.
Quels bénéfices attribuez-vous à l’apprentissage ?
Franck Ginod : Je trouve que le double apport – théorique et pratique – est essentiel pour apprendre un métier, surtout comme le mien. C’est hyper intéressant d’avoir des éléments théoriques, sur la gestion de la violence par exemple, et de les mettre en œuvre ou de faire le lien entre un cours et une situation vécue. Et vice-versa : c’est une chance de pouvoir discuter avec les formateurs ou collègues de promotion des situations rencontrées au travail : comment ils analysent la situation, ce qu’ils auraient fait différemment, quels outils ils utiliseraient... Un autre bénéfice de l’apprentissage est le salaire. J’ai un enfant, une maison, sans salaire je n’aurais pas pu me lancer dans ces études. Enfin, l’apprentissage permet d’avoir un emploi du temps adapté et de mettre toutes les chances de son côté pour obtenir son diplôme. Par exemple, je ne travaille pas le week-end, ce qui me laisse du temps pour mes écrits.
Mustapha El Labadi : Un apprenti apporte un regard neuf. Comme il est dans une dynamique de formation, il se pose des questions, vient pointer des situations qui peuvent être insatisfaisantes et nous permet de nous améliorer. L’apprentissage créé une dynamique collective enrichissante pour tous. Il permet aussi de former les « bons profils » : ce que nous cherchons avant tout, ce sont des compétences et des ressources personnelles, pas une qualification. Nous travaillons dans un domaine qui s’apprend principalement sur le terrain, il faut l’expérimenter.
Le regard de…
Anne-Aurore Giraud, directrice du Centre Départemental de l'Enfance
et de la Famille d'Eure-et-Loir
« En 2022, le CDEF consacre plus de 80 000 euros à l’apprentissage. Un budget qui a doublé depuis 2018. Nous formons actuellement six apprentis : trois éducateurs spécialisés, un moniteur-éducateur, une éducatrice de jeunes enfants et une apprentie en CAP cuisine. Nous avons une culture de la formation au sens large : nous encourageons l’ensemble de nos agents à se former, à passer des diplômes, à faire des VAE, à devenir maître d’apprentissage… L’enjeu majeur de l’apprentissage pour le CDEF est de mieux nous faire connaître afin d’avoir de nouvelles opportunités de recrutement. L’accueil d’urgence est un secteur difficile mais nous avons une véritable offre pédagogique pensée pour les enfants, nous formons nos agents régulièrement et proposons des plans de carrière. Nous avons de vrais besoins à tous les niveaux - éducateurs, auxiliaires de puériculture, infirmiers mais aussi dans nos services techniques – et sommes ouverts à toutes les propositions d’apprentissage, également sur les nouveaux métiers comme l’accompagnant éducatif et social (AES). L’ANFH est très aidante, notamment au niveau administratif pour la constitution des dossiers d’apprentissage, et répond à toutes nos questions. Les modalités de co-financement et l’échelonnage sont par ailleurs très clairs, ce qui nous permet de bien anticiper le reste à charge. »
Le contrat d'apprentissage en pratique
L'apprenti : Franck Ginod, 27 ans, éducateur sportif en reconversion
L'employeur : CDEF d'Eure-et-Loir (200 agents, 12 services, 9 unités d’accompagnement, 210 usagers accompagnés)
Diplôme préparé : Éducateur spécialisé à l'Institut du Travail Social (ITS) Tours-Chartres
CFA partenaire : CFA Social Médico-social et Sanitaire de Blois
aître d’apprentissage : Mustapha El Labadi, cadre socio-éducatif, maître d’apprentissage certifié, formateur vacataire
Durée du contrat : 3 ans (du 20/09/2021 au 30/06/2024)
Rémunération : 100% du SMIC
Financement ANFH : 3 500 euros / an
Coût total : 79 698 euros (24 432€ de frais pédagogiques et 55 266€ de salaire)