« Prendre du recul sur l’usage du numérique pour une pratique plus responsable »
ENTRETIEN
Joïce Caron, Délégué régional de l’ANFH Corse
Relations avec les patients, qualité des soins, management, communication… Les usages du numérique impactent de nombreux aspects du quotidien des établissements sanitaires et médico-sociaux. Délégué général de l’ANFH Corse, Joïce Caron est impliqué depuis plusieurs années dans la réflexion sur ces pratiques. Il revient sur leurs enjeux éthiques et sur l’offre de formation de l’ANFH pour accompagner les agents dans leur utilisation d’internet et des réseaux sociaux.
Depuis quand l’ANFH s’intéresse-t-elle aux questions éthiques liées à l’usage du numérique ?
Joïce Caron : Avec la délégation Haute-Normandie, notre délégation a été parmi les premières à engager une réflexion sur ce sujet, dès 2015. Deux ans plus tard, nous organisions une journée thématique « Usages des outils numériques et éthique professionnelle ». En 2018, un appel à projets national a été lancé pour élaborer des prestations de formation dédiées à ces nouveaux usages.
L’objectif de ces actions est de répondre aux enjeux sensibles liés à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), et en particulier des réseaux sociaux. Ces outils sont aujourd’hui omniprésents dans notre quotidien, puisque 75 % des Français possèdent un smartphone. Nous passons environ 2 h 30 par jour sur internet, sans toujours réaliser à quel point la diffusion spontanée de certains propos ou images peut porter atteinte à la vie privée d’autrui. En milieu hospitalier, un usage peu réfléchi des réseaux sociaux peut avoir des conséquences importantes pour les patients et leurs familles, les professionnels de santé, l’établissement et son image. Et, contrairement à certaines idées reçues, toutes les catégories et toutes les générations de personnels sont concernées par ces usages inappropriés.
Comment les établissements et leurs agents s’emparent-ils de ces enjeux ?
Il existe une vraie appétence pour ce thème transverse, prégnant dans la réalité du terrain. On peut dire qu’une acculturation s’est amorcée dans les équipes autour des usages du numérique et de leur impact. Cependant, dans le contexte de crise sanitaire actuel, il n’est pas toujours facile de construire une politique interne forte sur ce sujet, car il existe d’autres priorités.
Comment l’offre de formation de l’ANFH répond-elle à ces problématiques ?
Notre but est d’amorcer une réflexion chez les agents, de leur fournir des repères pour prendre du recul et aller vers des pratiques numériques plus conscientes et responsables. Pour cela, nous proposons un parcours en quatre modules à la carte, renouvelé fin 2020 afin de mieux prendre en compte la différence de maturité des établissements sur le sujet. La première session, intitulée « Empreintes web et réseaux sociaux », permet de dresser un état des lieux des pratiques dans l’établissement, de définir une stratégie voire un plan d’action. Le deuxième module s’adresse plus spécifiquement à l’encadrement, en abordant les opportunités et les risques du management à l’ère numérique. Nous avons aussi un module davantage orienté « grand public », dédié à l’utilisation responsable des supports numériques. Enfin, le dernier module forme des « ambassadeurs numériques » volontaires pour se saisir du sujet et le porter dans l’établissement, à travers des actions concrètes.
En parallèle, nous avons élaboré un outil de mobile learning « Éthique 2.0 », disponible sur ordinateur, tablette et smartphone. Il permet aux agents de suivre une formation d’une heure et demie découpée en huit courtes séquences d’apprentissage, comprenant des mises en situation et abordant des sujets clés autour des usages du numérique : effets sur la concentration au travail, protection de la vie privée, cyber-citoyenneté, sensibilisation des patients, sécurité de l’établissement, etc. Ces modules en e-learning ont été pensés pour les personnels qui peinent à trouver le temps nécessaire pour suivre une formation en présentiel.
« Tous les personnels sont concernés par les usages inappropriés du numérique »